« Dans ce dossier des Cahiers du genre, nous avons souhaité mettre l’accent sur ce qui en reste souvent un angle mort : les formes de résistance qui se déploient dans les relations de care, les enjeux conflictuels que celles-ci mettent au jour ainsi que leur dimension collective et leurs possibilités contestataires. En d’autres termes, notre choix est de saisir les personnes et les collectifs non seulement comme des victimes de domination, d’oppression et d’exploitation, mais également comme des sujets capables de s’organiser et de lutter (Galerand et Kergoat 2008 ; Ibos 2021b) ainsi que de contribuer à une réflexion critique sur le care (Hobart et Kneese 2020). Le fait que les protestations des pourvoyeurꞏeuses du care soient tues, que leurs voix, lorsqu’elles s’expriment, soient perçues avec condescendance, contribue aux mécanismes systémiques de la marginalisation économique et sociale du care. Rendre visibles et analyser les capacités d’organisation des travailleuses et travailleurs du care, leurs résistances subjectives comme collectives mais aussi les difficultés et obstacles qu’iels rencontrent pour les articuler : ces enjeux restent sous-explorés par la recherche française. Permettant de collecter des données passées sous silence, une telle perspective remet pourtant en cause les préjugés d’isolement, de passivité, de résignation ou de ressentiment pesant sur les subalternes du soin, autant qu’elle interroge la spécificité d’actions qui se déploient dans les coulisses de la domination. Ce dossier propose donc de réfléchir aux différents défis, méthodologiques, théoriques et empiriques qui surgissent d’une focalisation sur les résistances dans le travail et dans les relations de care. »