La barbe ne fait pas le philosophe Les femmes et la philosophie en France (1880-1949)
Annabelle Bonnet, CNRS éditions, septembre 2022.
« Femme, être incomplet et condamné à une éternelle enfance, tu prétends t’élever à la philosophie ! Quel aveuglement est le tien ? » Les mots de Victor Cousin, personnage clé de l’institutionnalisation de la philosophie en France au XIXe siècle, donnent le ton. La IIIe République perpétue cette politique d’exclusion : tandis que la philosophie est élevée au rang de couronnement des études secondaires et de pratique culturelle républicaine par excellence, chargée de suppléer la religion dans l’organisation morale de la société, elle se trouve exclue par la loi des cours prodigués aux jeunes filles. Qu’est-ce donc qu’être philosophe en France entre 1880 et 1949 ? C’est d’abord et avant tout porter une barbe : être un homme. Pourtant, Plutarque défiait déjà quiconque de mesurer la sagesse du penseur à la longueur de son poil… Cette situation n’est pas sans susciter des rébellions, des transgressions, parfois des travestissements – et, ainsi, des évolutions. Mêlant combats individuels et collectifs, cette enquête novatrice révèle un pan de l’histoire des femmes aux XIXe et XXe siècles et fait ressortir une galerie de femmes philosophes qui s’affirment en dépit des obstacles : de Jenny d’Héricourt et Julie Favre jusqu’à Dina Dreyfus et Simone de Beauvoir, en passant par Jeanne Crouzet, Julie Hasdeu, Clémence Royer, Jeanne Baudry, Léontine Zanta, Alice Steriad, Lucy Prenant, Hélène Metzger, Renée Déjean, Yvonne Picard, Simone Weil ou Marguerite Buffard Flavien.