Le cœur au téléphone. Derrida et la question de l’auto-affection
Anne Emmanuelle Berger, Les Presses de l’université de Montréal, 2025.
Comment la question de l’amour et celle de la « différence sexuelle » se touchent-elles dans l’œuvre de Jacques Derrida ? Ou encore celle du « sexuel » et de l’affect ? De l’amour de soi et de l’amour de l’autre ? Peut-on penser ensemble le cœur – son coup et son cri – et le politique ? En quoi, ou jusqu’où, cette manière de penser touche-t-elle, ou non, au problème de ladite différence sexuelle et de la hiérarchie des genres ? Et, finalement, en quoi et pourquoi ces questions s’articulent-elles dès le départ, et intimement, à l’entreprise derridienne de déconstruction du logocentrisme ?
Dans cet essai, l’autrice montre la centralité de la question de l’auto(hétéro) – affection chez Derrida et tente d’en déchiffrer les enjeux épistémologiques, éthiques et politiques. Elle s’intéresse à deux motifs, présents d’un bout à l’autre de l’œuvre du philosophe : celui du « toucher » et celui du « cœur », dont elle interroge le fonctionnement textuel et la portée conceptuelle. Il aura fallu que Derrida « se touche », dans tous les sens du terme en français, qu’il touche au « touché » qu’il est, mais aussi qu’il se/le dise dans des textes à structure ou motif confessionnels, pour que cet aspect de l’oeuvre et du geste derridiens ait une chance de s’imposer à la lecture.