Nourrir les enfants : justice reproductive et raciale
Appel à contributions pour un numéro des Cahiers du Genre. Date limite d’envoi des propositions : 15 septembre 2024.
Nourrir les enfants a longtemps été et continue souvent à être une activité assignée aux personnes genrées comme féminines et, en premier lieu, aux mères. Dans différents contextes socio-historiques, la maternité a été construite comme reposant sur un devoir d’allaitement et de nourrissage des enfants censé se conformer à des codes sociaux et médicaux parfois très intrusifs. Pourquoi s’intéresser au nourrissage des enfants en rapport avec la justice reproductive et raciale ? Parce que l’alimentation des enfants est le plus souvent marquée par la volonté d’assurer le renouvellement des générations d’une façon qui maintienne des rapports de domination en place. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit d’assurer la survie et l’accroissement de la population, vu comme indispensable à la pérennité de la nation. Les autorités médicales, morales et politiques en place se méfient des femmes, notamment des femmes minorisées, jugées trop ignorantes et/ou indisciplinées pour mener leur « métier de mère » (Gojard) de façon autonome. (…)
Notre dossier se propose d’interroger l’alimentation des enfants en privilégiant trois axes principaux : 1) la matérialité du nourrissage infantile, 2) l’influence normative soutenue dont ce nourrissage fait l’objet et 3) le lien trop souvent négligé entre injustice alimentaire et injustice reproductive. Ce faisant, ce dossier vise à répondre aux questions suivantes, entre autres : Qui a le droit de nourrir ses enfants ? Quel type de conditionnalité socio-politique et économique est indexée à ce nourrissage des enfants ? Comment saisir alors la double vulnérabilisation des nourrisseuses (nourrissantes mais mal nourries ou sous contrôle alimentaire) sans reconduire des stigmates anthropologiques sur la faiblesse ou la passivité de tels corps ? Ce projet se concentre sur la période allant du dix-neuvième siècle à l’époque contemporaine afin d’analyser l’usage de l’alimentation des enfants dans la construction de la nation, autrement dit un « gastronationalisme » (DeSoucey) qu’on pourrait qualifier de reproductif. Nous nous attardons sur le contexte français (et notamment colonial), mais avec un intérêt pour les comparaisons avec d’autres pays.
L’appel est ouvert à toutes les disciplines des sciences humaines et sociales, mais aussi à la nutrition et science des aliments, à la psychologie et aux autres savoirs qui embrassent l’alimentation et l’enfance. En ce sens, ce dossier vise à contribuer à un renouveau des études sur l’alimentation dans les espaces de recherche francophones dans une perspective critique et intersectionnelle qui décentre la sociologie de l’alimentation, à l’image de ce que les « food studies » ont accompli dans le monde universitaire anglo-américain en proposant un champ pluridisciplinaire pour penser le rôle de l’alimentation dans le champ des luttes sociales et dans la construction et la déconstruction des identités.
Coordination Hourya Bentouhami (bhourya@gmail.com) et Mathilde Cohen (mathilde.cohen@uconn.edu).
Les abstracts d’une page devront être adressés avant le 15 septembre 2024 aux deux coordinatrices, les versions complètes des articles d’environ 50.000 signes devront être rendues à la fin de décembre 2024 en vue d’une publication à la fin 2025 à la suite d’une double évaluation en double aveugle. Veuillez suivre les consignes d’écriture de la revue disponibles ici