Le droit de compter. Les livres de gestion et de mémoires des femmes (Florence, XVe-XVe siècles)
Serena Galasso, Publications de l’Ecole française de Rome, 2024.
La société florentine de la fin du Moyen Âge est souvent présentée comme l’une des sociétés patriarcales les plus rigides de l’Italie centro-septentrionale. Les femmes de l’élite marchande notamment, écartées de la succession paternelle et asservies aux stratégies matrimoniales de leurs familles, semblent avoir eu une faible capacité d’agir. Cet ouvrage vient cependant nuancer cette interprétation grâce à la découverte et à l’analyse d’une documentation jusqu’à présent totalement inexplorée : les livres de gestion et de ricordanze tenus par/pour les femmes du patriciat marchand. Pendant leur vie matrimoniale et, plus souvent, pendant leur veuvage, les Florentines de l’élite urbaine pouvaient ouvrir des livres privés pour administrer des biens familiaux, surveiller des richesses personnelles et consigner tous les actes utiles à leur gestion. Par le biais de l’écrit, elles négociaient leurs capacités de gestion et leurs rôles au sein de la parenté, protégeaient leurs intérêts en déjouant les normes de la succession patrilinéaire et contribuaient activement à la production de la mémoire familiale. L’analyse minutieuse de près de 200 livres de comptes révèle ainsi que cette pratique d’enregistrement et de mémoire n’était pas un monopole masculin et permet de renouveler l’historiographie sur les rapports de genre dans les sociétés médiévales et de la Renaissance.
Serena Galasso, docteure en histoire médiévale auprès de l’École des hautes études en sciences sociales, est actuellement chercheuse postdoctorale à l’université de Padoue. Ses recherches portent principalement sur les rapports de genre, les pratiques d’écriture et la culture matérielle des sociétés de la fin du Moyen Âge.